Télévision du futur : Plaidoyer pour un service public
« Télévision du futur : Plaidoyer pour un service public »
(Dominique Paillé – Député UMP des Deux-Sèvres)
Il souffle sur notre société de communication un vent de modernité, auquel rien ne semble devoir résister. La démultiplication des canaux et le formidable appétit du public pour une révolution technologique permanente transforment radicalement notre paysage audiovisuel. Dans le même temps, de grands mouvements capitalistiques sont à l’œuvre, bouleversant eux aussi, les modèles économiques nés au lendemain des grandes privatisations. La diversité de choix, réservée hier encore à une minorité capable de payer un abonnement, est désormais accessible gratuitement par la TNT. Le transport d’images par le biais de la téléphonie mobile et les possibilités quasi infinies de l’Internet modifient en profondeur la consommation des médias audiovisuels et donc la relation entre le téléspectateur et les programmes. Le projet de loi devant organiser la fin de la diffusion analogique de la télévision et la diffusion sur de nouveaux supports est en discussion cette semaine à l’Assemblée Nationale. Ses enjeux sont lourds de conséquences pour l’ensemble des acteurs du secteur et plus particulièrement pour le service public. Dans cet univers audiovisuel en pleine ébullition, il apparaît clairement que la démultiplication des supports n’induit pas mécaniquement un enrichissement qualitatif de l’offre. Cette diversification ne constituera un véritable progrès que si elle est mise au service de « nobles » desseins. Dans ce paysage nouveau, il nous incombe donc plus que jamais, à nous, législateurs, de nous poser en garant d’une télévision publique forte, accessible au plus grand nombre, sur tous les supports et dotée des moyens pour accomplir ses missions.
La spécificité des chaînes publiques est liée à leur mode de financement bien sûr, mais aussi et surtout, aux contreparties fixées par leurs cahiers de missions et de charges pour obtenir un service public de qualité et de diversité. Paradoxalement, la télévision publique ne s’est jamais aussi bien démarquée des chaînes commerciales privées, et ceci pourtant, face à une adversité elle aussi sans précédent. S’agissant de la place accordée à l’information et au débat politique, ou de l’espace désormais quotidien dévolu à la culture, le service public est une valeur ajoutée incontestable dans le paysage audiovisuel et une pierre angulaire du débat démocratique, du lien social et de la citoyenneté. Or aujourd’hui plus de 3 millions de foyers français recevant la télévision par satellite (représentant jusqu’à 26% des téléspectateurs dans certaines régions) sont privés des programmes régionaux de France 3. Demain, à la suite de la fusion TPS/Canalsat, TF1 et M6 seront désormais disponibles dans le bouquet satellitaire de ce nouveau géant de la diffusion. Les foyers qui conservaient jusqu’alors leur antenne traditionnelle pour avoir accès à ces chaînes risquent de l’abandonner. Ce sont donc 5,3 millions d’entre eux qui pourraient se trouver privés des décrochages régionaux. Cette situation est pour le moins paradoxale, à l’heure où les grands médias et notamment l’information qu’ils dispensent, sont si souvent décriés pour leur parisianisme, pour une chaîne dont l’identité est très fortement marquée par la proximité qu’elle cultive avec ses téléspectateurs et qui le lui rendent bien. La loi fixe aujourd’hui aux opérateurs commerciaux du satellite une obligation de reprise des chaînes publiques, mais les programmes régionaux de France 3 en sont exclus ; le débat législatif qui s’ouvre doit impérativement permettre aux abonnés d’y accéder gratuitement.
De la même façon, les programmes des chaînes publiques doivent pouvoir être repris sur l’ensemble des supports. La logique de l’obligation de reprise, qui s’ancre dans le socle commun de l’intérêt général, se heurte trop souvent à un marché des droits dans lequel l’exclusivité acquise par des opérateurs privés commerciaux se solde par l’exclusion de l’offre gratuite, complète et plurielle du service public. A l’heure où les habitudes de consommation de l’image se nomadisent, il n’est pas acceptable que les abonnés des opérateurs mobiles et notamment les plus jeunes d’entre eux, se trouvent exclus de cette offre d’avenir. Ainsi le projet de loi doit-il être l’occasion d’obliger les opérateurs de téléphonie mobile à reprendre simultanément et dans leur intégralité, les programmes des chaînes publiques.
La télévision publique c’est aussi la création et ses programmes y font largement place. France Télévisions, bien au-delà de ses strictes obligations, a engagé un plan quinquennal lui permettant aujourd’hui d’y consacrer chaque jour 1 million d’euros. Elle répond en cela à une attente profonde des téléspectateurs, qui lassés des standards anglo-saxons, manifestent un nouvel appétit pour le documentaire, la fiction française ou le spectacle vivant. C’est un ciment fort pour la Nation car une Nation, un peuple, ne peuvent exister ni perdurer sans que des liens fédérateurs permettent aux citoyens qui les composent de se reconnaître dans un destin collectif. Une langue, une histoire et une organisation politique communes forment bien sûr le socle de notre cohésion nationale mais dans une société de communication comme la nôtre, le service public audiovisuel participe pleinement au maintien et au renforcement du lien social. C’est aussi parce qu’ils se reconnaissent dans le reflet des images qui leur sont présentées que les français cultivent leur sentiment d’appartenance à la communauté nationale. Que la France traverse une crise sociale ou qu’elle trébuche sur son passé, et c’est le service public qui accueille le débat, l’organise, permet qu’il s’exprime. Nous avons, à cet égard, mille raisons d’être fiers de notre télévision publique. Néanmoins, pour qu’elle puisse poursuivre sa mission, il faudra réviser l’épineuse question de son financement. N’étant pas l’objet du présent projet de loi, nous ne pourrons toutefois rester sans réagir face au coût en perpétuelle augmentation des grilles de programme. A chaque nouvel exercice, la télévision publique se trouve confrontée à une équation budgétaire quasi-insoluble, qu’elle résout pourtant, au-delà de ce qu’on lui demande, en répondant à une exigence croissante des pouvoirs publics en terme de diversité et de qualité.
La télévision publique est aujourd’hui à un tournant de son existence. Dans un environnement technologique, économique et social aux équilibres bouleversés, il serait irresponsable de maintenir le statu quo sur la question de son rôle, de ses missions et ses ressources. Le débat présidentiel qui s’ouvre doit permettre de l’aborder sans faux semblant.